02 septembre 2006

État de grâce terminé pour Angela Merkel

Allemagne . La popularité d’une chancelière, passée « à découvert » pour approfondir les réformes libérales, a fortement chuté dans les enquêtes d’opinion.

L’état de grâce n’aura pas duré plus de huit mois pour Angela Merkel.
Alors que son mandat avait démarré dans des conditions particulièrement laborieuses, la chancelière avait réussi à conquérir rapidement sa légitimité aux yeux de l’opinion en choisissant de s’affirmer sur la scène internationale. Elle bénéficiait ainsi en février dernier d’un taux de popularité record, 75 % des personnes interrogées la jugeant alors favorablement. Selon un sondage réalisé par le même institut six mois plus tard, sa cote a chuté de 24 points et elle ne recueille plus aujourd’hui que 51 % (1) d’opinions favorables.

Les raisons de ce décrochage sont simples : contraintes de passer « à découvert » sur les dossiers de politique intérieure, Angela Merkel se trouve bien davantage confrontée à un mécontentement social toujours très fort dans le pays. Car en dépit du regain de croissance de ces derniers mois le chômage demeure à un niveau très élevé (plus de 10,5 % de la population active) et paraît même reparti à la hausse, si l’on en croit les chiffres communiqués hier par l’Office pour l’emploi, qui signale, pour le mois d’août, une augmentation (corrigée des variations saisonnières) de quelque 5 000 demandeurs d’emploi.

Tenant compte du résultat des législatives de septembre 2005, où les électeurs avaient sanctionné son parti, pour cause de programme ultralibéral, ce qui l’avait frustré d’une victoire nette sur le SPD, la chancelière faisait pourtant preuve de prudence sur le dossier des réformes. Remisant dans les tiroirs l’instauration d’une « flat tax » à l’anglo-saxonne (taux de fiscalité égal pour tous les revenus) ou d’une prime forfaitaire pour refondre le système d’assurance maladie, elle s’est ainsi contentée de pousser plus avant avec son partenaire social-démocrate les réformes libérales, déjà lancées par le cabinet précédent. Lors de sa conférence de presse de rentrée le 20 août dernier, elle a confirmé cette stratégie avec d’autant plus de force qu’elle a adressé un hommage appuyé à son prédécesseur Gerhard Schröder, qui, dit-elle, « a rendu les plus grands services à l’Allemagne » parce qu’il a « réussi à imposer » son fameux « agenda 2010 ».

Seulement ce sont ces mêmes réformes qui, en précarisant massivement les salariés, ont nourri, en son temps, le mécontentement populaire. Il n’est donc guère étonnant que leur amplification aujourd’hui produise sur Angela Merkel et son - cabinet d’union sacrée les mêmes effets que sur l’ex-équipe Schröder.
Le durcissement de la déjà très impopulaire réforme du marché du travail (Hartz IV), notamment vis-à-vis des jeunes chômeurs de longue durée, passe ainsi très mal dans l’opinion. Résultat : les deux partis de la coalition atteignent aujourd’hui, dans les sondages, leurs niveaux les plus bas de toute l’histoire de la république fédérale. Le SPD a chuté depuis plusieurs mois sous la barre des 30 % d’intentions de vote et la CDU, un temps soutenue par la popularité de la chancelière, vient de subir un décrochage parallèle au sien dans l’opinion, dépassant, lui, tout juste la barre des 30 %.

Dilemme supplémentaire pour Angela Merkel : elle se trouve prise entre deux feux au sein de son propre parti. D’un côté, des « jeunes loups » comme Friedrich Merz ou Roland Koch prennent prétexte des mauvais sondages pour critiquer ouvertement son approche, jugée par trop « centriste », et réclament de « vraies réformes » en se référant au programme ultralibéral adopté par le parti, il y a trois ans. Quand, de l’autre, les partisans de l’aile dite sociale de la démocratie-chrétienne - mise sous le boisseau depuis quelques années - relèvent la tête pour dénoncer, eux, la trop grande dureté sociale des projets.

(1) Sondage réalisé du 22 au 24 août dernier par l’institut Infratest pour le magazine Der Spiegel.

Bruno Odent (L'Humanité)

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