17 avril 2012

Pour Joseph Stiglitz, l'Europe va droit dans le mur


Par Marc-Henri Jobin pour la Tribune de Genève
«La seule bonne chose de l'année 2011, c'est qu'elle a été meilleure que ne le sera 2012», estime le prix Nobel d'économie.
Si l'Europe poursuit ses programmes de restriction, «les années à venir seront vraiment dures».

La situation en Europe préoccupe Joseph Stiglitz. «Les chances de résoudre le problème par de nouvelles économies sont proches de zéro», relève-t-il dans une interview donnée au Tages-Anzeiger. L’Europe est même «menacée à court terme d'une deuxième récession».

La plupart des gouvernements épargnent, ce qui accentue le ralentissement économique, constate le chercheur et économiste américain. Et contrairement aux promesses faites, «on ne voit toujours pas poindre la lumière au bout du tunnel».

On prescrit la saignée au malade

«Il n'y a au monde pas un seul exemple qui montre qu'il est possible d'assainir un Etat malade en réduisant les salaires, les rentes et les prestations sociales», poursuit l'ancien prix Nobel. La croissance ralentit, les recettes fiscales baissent et la question de l'endettement n'est pas résolue, ajoute-t-il en substance.

«Les politiciens devraient aujourd'hui reconnaître qu'ils sont sur la mauvaise voie». Une surdose d'économies ne fait qu'empirer les choses. «C'est comme au Moyen-Âge: quand le patient mourait, on disait: le médecin a trop vite arrêté les saignées».

Les Irlandais paient pour leurs banques

Aujourd'hui, des pays comme la Grèce et le Portugal auraient au contraire «besoin d'une perspective de croissance crédible». Pour cela, les gouvernements devraient augmenter les dépenses de l'Etat, selon l'Américain.

«Ils peuvent le faire sans accroître les déficits, s'ils augmentent les impôts en parallèle», en introduisant par exemple une taxe sur les transactions financières, observe-t-il. L'économie en profiterait et pour un multiple des montants injectés par l'Etat.

Joseph Stiglitz reconnaît volontiers que la Grèce est surendettée. Ainsi que le Portugal et l'Irlande. Mais dans ce dernier cas, c'est n'est pas en raison d'un excès de dépenses de l'Etat.

La crise en Irlande est venue de la finance: «C'est une erreur monumentale que d'avoir sauvé les banques en difficulté avec l'argent des contribuables». Pour l'ancien professeur et chercheur,« il ne devrait pas y avoir de banque si grande qu'on doive la sauver à tout prix».

Plus d'égalité et de morale

De manière générale, l'économiste constate que les politiciens ne prennent pas suffisamment en compte les soucis des citoyens. «Ces derniers ont perdu confiance dans le capitalisme financier. La crise financière a montré que le modèle ne fonctionne pas.»

Aux Etats-Unis, le revenu moyen d'un travailleur est plus faible aujourd'hui qu'en 1968, argumente l'ancien chef économiste de la Banque mondiale. «C'est inacceptable et permet de conclure que le capitalisme n'aide en définitive qu'une petite partie des gens».

La répartition de la richesse est de plus en plus inégale, constate Joseph Stiglitz, pour qui «nous avons besoin de plus de transparence et d'égalité entre les revenus et, surtout, de plus de morale».

(Newsnet)