30 avril 2011

L’ Allemagne passe du nucléaire au charbon

Le moratoire sur les centrales nucléaires décidé par Angela Merkel oblige l’Allemagne à importer de l’électricité. D’ici à 2017, trente centrales thermiques entreront en fonction.

Le 14 mars dernier, la chancelière allemande, Angela Merkel, annonçait un moratoire sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires pourtant décidée sous son égide en octobre 2010. Conséquence de la catastrophe de Fukushima, cette décision était aussi dictée, selon les observateurs de la vie politique allemande, par la proximité des élections dans le Land de Bade-Wurtemberg, fief historique de son parti, la CDU. Si c’est le cas, la chancelière aura été mal inspirée. Le 27 mars, la coalition SPD-Verts finit par l’emporter. Mais c’est sans doute là la moindre des conséquences de la décision d’Angela Merkel.

Les 17 centrales nucléaires allemandes fournissaient jusqu’à présent 22,2 % de la production d’électricité nationale. Dans une note disponible sur Internet (1), l’Institut français des relations internationales (IFRI) estime qu’« avec l’arrêt temporaire, voire définitif (des 7 centrales concernées par le moratoire – NDLR), l’Allemagne produira 6,8 % d’énergie de moins qu’auparavant ».

Ce net recul est confirmé par la Fédération allemande de l’énergie et de l’eau (BDEW). Le 4 avril dernier, à l’occasion de la Foire industrielle de Hanovre, l’organisme qui regroupe les industriels du secteur a annoncé que depuis le 17 mars la production allemande d’électricité a reculé de 120 gigawattheures par jour. Dans le même temps, le prix de l’électricité à la Bourse de l’énergie de Leipzig a progressé en moyenne de 12 %. Si la rupture d’approvisionnement a été évitée, c’est grâce un recours accru aux centrales thermiques, mais surtout grâce aux importations qui, selon le BDEW, ont doublé depuis le 17 mars.

Entre cette date et le 4 avril, l’Allemagne, qui est d’ordinaire exportatrice nette d’électricité, a importé tous les jours environ 50 gigawattheures de plus qu’elle n’a exporté. Principal fournisseur du pays, la France et ses centrales nucléaires…

La sortie du nucléaire allemand a été décidée en 2000 par le chancelier SPD, Gerhard Schröder et son gouvernement SPD-Verts. Elle doit s’étaler jusqu’en 2022, date à laquelle est prévu l’arrêt définitif du dernier réacteur. Cette fermeture se veut progressive afin de garantir la sécurité d’approvisionnement du pays et surtout se prémunir d’un renchérissement trop rapide de l’électricité. Elle doit s’accompagner d’un développement des énergies renouvelables, avec pour objectif affiché que celles-ci satisfassent jusqu’à 50 % de la consommation d’énergie en 2050. Néanmoins en 2007, elles n’en assuraient que 4,6 %.

Pour satisfaire sa demande énergétique, l’Allemagne mise essentiellement sur les énergies fossiles. Pétrole, gaz, charbon et lignite représentent 84 % des sources d’énergie utilisées en Allemagne. Pour ne pas accroître sa dépendance énergétique vis-à-vis du gaz et du pétrole qu’il importe respectivement à 84 et 97 % (dont 40 % de Russie), le pays a décidé de se tourner d’avantage vers le charbon et le lignite, dont son sous-sol contient d’importantes réserves. Jusqu’en 2017, 30 centrales thermiques seront mises en service. Selon différentes estimations, leur production annuelle devrait atteindre entre 200 et 220 térawattheures, contre environ 130 térawattheures pour l’actuel parc nucléaire. « Les Allemands se préparent à sortir du nucléaire grâce au charbon », ironise Sauvons le climat. L’association estime que cette décision augmentera les émissions de gaz à effet de serre du pays de 20 % par rapport leur niveau actuel.

(1) http://www.ifri.org/

Article publié par l'Humanité

29 avril 2011

Les Européens n’en ont pas fini avec la crise

Selon un sondage exclusif Ifop-l’Humanité, ils estiment être encore en pleine crise économique ou jugent la situation préoccupante, même si le pire est passé.
Les Européens ne sont pas près de manger leur pain blanc, si l’on se réfère au sondage de l’Ifop sur l’état de «l’opinion sur la situation économique actuelle». L’enquête réalisée dans cinq des plus importants pays du continent – le Royaume-Uni, l’Italie, la France, les Pays-Bas et l’Allemagne –, et portant pour chacun d’eux sur un échantillonnage de 500 à 600 personnes, montre que trois ans après le début de la crise, l’inquiétude est le sentiment le mieux partagé.

Au Royaume-Uni, qui subit une sévère cure d’austérité, et en Italie, soumise à un régime de rigueur pour faire face à l’énormité de sa dette publique, respectivement 58 % et 55 % des sondés estiment être « encore en pleine crise ». Opinion que partagent 47 % des Français et environ le quart des Néerlandais et des Allemands. Si l’on tient compte de la question suivante, « diriez-vous que la situation demeure préoccupante même si le pire de la crise est derrière nous… », les cinq pays au total expriment leur mal-vivre du moment. Toutefois l’Allemagne et les Pays-Bas, excédentaires, tournés vers les exportations, apparaissent les plus optimistes, résolument même pour 12 % des Allemands qui considèrent que « la situation est plus favorable et (que) la crise est finie »…

Autre enseignement, les éléments de comparaison montrent qu’en un peu moins d’un an, l’opinion est restée quasiment stable (1), excepté au Royaume-Uni où la proportion de personnes estimant être encore au cœur de la crise a augmenté de 14 %. Entre-temps, le premier ministre David Cameron a annoncé aux Britanniques son plan de rigueur. À l’opposé, l’Allemagne semble être sur un petit nuage, que lui procure son leadership économique sur la scène européenne.

Localement, ce sont les régions les plus déprimées où les plus vives craintes sont formulées, le cas notamment de l’Écosse et du nord de la Grande-Bretagne, du Sud italien, de l’est de l’Allemagne ou de certains départements du nord et de l’est de la France. Par tranches d’âge, il est à noter que, parmi les jeunes de moins de trente-cinq ans, les Italiens massivement (58 %) ne voient pas le bout du tunnel pour demain, suivis par les Britanniques (40 %) et les Français (34 %). Mais cette réalité touche toutes les générations et les deux sexes, bien que les femmes le plus souvent paraissent dire avec plus de force leur vulnérabilité face à la crise.


(1) Sondage Ifop pour l’Humanité réalisé en septembre 2010.

18 avril 2011

Hongrie: nouvelle Constitution sous le signe de Dieu

Après avoir fait adopter des textes de loi liberticides, le gouvernement magyar fait voter lundi une nouvelle Constitution, d’inspiration libérale et ultraréactionnaire.

Budapest (Hongrie), envoyé spécial. «Dieu bénisse les Hongrois », veut croire la première phrase du projet de Constitution hongroise. Fort d’une confortable majorité au Parlement, le Fidesz, le parti du premier ministre, Viktor Orban, entend faire adopter une nouvelle loi fondamentale, d’inspiration ultraréactionnaire et libérale.

Lors des élections d’avril 2010, le Fidesz s’est adjugé, avec son allié le Parti populaire démocrate-chrétien (KDNP), les deux tiers des sièges. Ce qui lui permet de procéder à une modification de la Constitution. Le hic est que si l’actuelle opposition retrouvait la faveur des électeurs, il est fort vraisemblable qu’il ne rééditerait pas le score du Fidesz. Et devrait faire face à un veto de ce dernier si elle voulait faire évoluer la loi fondamentale.

L’affaire est d’autant plus grave que le texte, dévoilé il y a un mois, sera adopté lundi, sans référendum. Et que sa rédaction finale a été obtenue après un débat parlementaire de neuf jours seulement et sans participation de l’opposition.

L’ensemble de ce texte reprend les grands traits de la révolution conservatrice entreprise par Viktor Orban, déjà auteur d’une loi liberticide sur les médias. Le préambule fait la part belle à une Hongrie chrétienne. « Nous sommes fiers qu’il y a mille ans, notre roi ait établi l’État hongrois sur de solides fondations et fasse de notre pays une partie de l’Europe chrétienne. » À la faveur de ce nouveau texte, le terme de République disparaît.

Ce texte prépare des mesures réactionnaires. Ainsi on peut lire que « la vie doit être protégée depuis le moment de la conception ». Une base légale pour remettre en cause le droit à l’avortement. Le mariage, en général défini par le Code civil dans les autres pays européens, deviendrait par la grâce de la Constitution une « union conjugale entre un homme et une femme ». Difficile, si l’opposition revient aux affaires, d’autoriser le mariage homosexuel.

Par ailleurs, le pouvoir place ses hommes dans tous les organes de contrôle. Les membres de la Cour constitutionnelle seront élus pour douze ans… De quoi empêcher les futurs gouvernements de travailler.

Publié par l'Humanité

01 avril 2011

Les populations d'Europe, plus fécondes et plus mélangées

Un rapport sur la démographie dans l’UE, rendu public vendredi 1er avril et vu par « La Croix », rend compte d’une légère hausse de la fécondité et d’une mixité accrue
L’Europe est surnommée le « vieux continent ». Mais un rapport dressant l’état de la démographie dans les 27 pays de l’UE, qui sera rendu public vendredi 1er avril à Bruxelles et que La Croix s’est procuré, tord le cou à quelques idées reçues.

Une « légère augmentation de la fécondité » y est décrite, « après des décennies de fécondité en berne alors que les pays s’enrichissaient ». « La très faible fécondité – inférieure à 1,3 enfant par femme – n’est plus de mise dans l’ensemble des États membres », constate ce rapport d’une centaine de pages établi par la Commission européenne et son agence statistique, Eurostat.

Si les taux de fécondité en Irlande et en France sont connus pour être relativement élevés, un début de redressement est aussi enregistré dans pratiquement toute l’UE, y compris en Italie (de 1,29 enfant par femme en 2003 à 1,42 en 2009), en Suède (de 1,71 à 1,94 sur la même période) ou encore en République tchèque (passage de 1,18 à 1,49).

Seuls le Portugal, Malte et le Luxembourg enregistrent des taux en baisse tandis qu’ils n’augmentent que de très peu en Allemagne, en Autriche ainsi qu’en Lettonie, où, à 1,31, la fécondité est la plus basse de toute l’UE.

5,4 millions de naissances dans l'Union européenne en 2009

Ces nuances ne masquent pas une tendance d’ensemble à la hausse. Descendue à 1,45 enfant par femme en 2002, la moyenne européenne actuelle du taux de fécondité de 1,6 « pourrait grimper à plus de 1,7 », estime le rapport, rappelant toutefois que ce « petit ajustement ne compense pas le déficit par rapport au seuil de renouvellement de 2,1 » et « exigera une large immigration ».

Avec environ 5,4 millions de naissances à travers les Vingt-Sept en 2009, on est en effet loin des plus de 7,5 millions de naissances du début des années 1960. Mais désormais plus sous les 5 millions de naissances comme en 2002.
Sur le fond, cette « progression modeste de la fécondité » n’est pas le fruit des modèles familiaux traditionnels. Au contraire.

« Des pays avec moins de mariages, davantage de concubinage, plus de divorces et une moyenne plus élevée de l’âge des femmes au moment de l’accouchement tendent à engendrer une fécondité plus élevée », observe le rapport européen, notant « un nombre plus élevé de naissances extraconjugales ».

La meilleure fécondité résulte aussi, selon le rapport, d’un « processus de rattrapage » dû à des maternités plus tardives : « Lorsque les femmes accouchent à un âge plus avancé de la vie, la fécondité d’abord décroît puis remonte. »

L'Europe reste un continent vieillissant

De fait, l’âge auquel les femmes ont un enfant a atteint voire dépassé 30 ans dans une douzaine de pays de l’UE, surtout de l’Ouest. À l’instar de l’Irlande, où l’âge moyen des mères à la naissance du premier enfant dépasse les 31 ans.

« Les femmes dans l’UE ont moins d’enfants lorsqu’elles sont jeunes et davantage plus tard », résume le rapport. Ce phénomène gagne les pays de l’Europe de l’Est, alors qu’il marque le pas à l’Ouest.

Ces changements progressifs n’empêchent pas l’Europe de rester, par ailleurs, un continent vieillissant. « Le nombre d’individus âgés de 60 ans et plus au sein de l’UE croît actuellement de plus de deux millions chaque année, à peu près deux fois le taux observé jusqu’il y a encore trois ans », relève le rapport.

L’âge moyen de la population dans l’UE s’établissait à 40,6 ans en 2009, il est projeté à 47,9 ans d’ici à 2060, grâce en particulier au prolongement de l’espérance de vie.

2012 , « année européenne du vieillissement actif »

Ce prolongement, commente la Commission européenne, appelle « une plus grande flexibilité du temps de travail pendant les années d’effervescence où la maternité et les engagements professionnels coïncident » et « une retraite productive via le volontariat et un engagement général dans la vie sociale ».

Après le bénévolat en 2011, l’année 2012 est d’ores et déjà proclamée « année européenne du vieillissement actif ».

Par ailleurs, naissances tardives et vieillissement prolongé s’opèrent dans une Europe à la population davantage diversifiée, autre point essentiel du rapport.

L’immigration provenant tant du dehors de l’UE que résultant de mobilités internes « a sensiblement augmenté la part d’habitants européens qui ne vivent pas dans leur propre pays natal ou dans leur milieu culturel », observe le rapport, selon lequel 15 % de la population active est née à l’étranger ou a au moins un parent né à l’étranger. Ces tendances « rendent le sentiment d’appartenance à une nation particulière plus diffus et complexe ».


Sébastien MAILLARD, La Croix